Par Francis Blaise
C’est entre les Grands Boulevards et le Marais que vient de s’ouvrir un hôtel pas comme les autres. Dans ce quartier proche du mythique Grand Rex, le 123 Sébastopol est un hymne au cinéma, aux films et aux artistes qui ont contribué à donner ses lettres de noblesse au septième art. La réhabilitation, l’architecture intérieure et le design de ce lieu sont signés Philippe Maidenberg, avec la complicité de Jean-Paul Belmondo, Claude Lelouch, Danièle Thompson, Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Elsa Zylberstein et Ennio Morricone.
Dès l’entrée (1, 2 et 3), le ton est donné. On pénètre dans un univers dédié au septième art. Sous la verrière comme un plateau de tournage, en grande partie éclairée par la lumière naturelle qui se reflète sur des tables miroir dont le piétement est celui d’une caméra à hauteur variable, le bar est animé de meubles et d’objets évoquant un plateau ou une salle de cinéma. Le fauteuil « The Director », créé par Philippe Maidenberg en hommage à Claude Lelouch, reprend les codes du fauteuil de réalisateur, avec une poche pour glisser un script, le nom du réalisateur brodé sur le dossier en fil d’or, et des surpiqûres évoquant la finition intérieure d’une Mustang. Installé confortablement, on observe la vie qui s’anime comme si on avait juste avant clamé « Action »… comme nous le suggère la grande enseigne lumineuse face à l’escalier qui descend vers les salles de projection, de fitness et de réunions.
A chaque étage sa star
C’est au sixième étage consacré à « L’As des As », Jean-Paul Belmondo (4 et 8), dominant les toits de Paris comme l’acteur a dominé le box-office, que l’on découvre le décor qui lui est consacré. Des images emblématiques et inoubliables de ses films couvrent un mur entier, et plongent le visiteur dans l’univers d’À bout de souffle, d’Itinéraire d’un enfant gâté, d’Un singe en hiver. Plus bas, c’est l’univers consacré à Claude Lelouch (5 et 9) avec de subtiles évocations de tout ce qui constitue l’univers du réalisateur. Un grand panneau rétroéclairé Comme une table lumineuse expose un tableau de pellicules authentiques de films du réalisateur au-dessus du lit, pour des rêves en technicolor. Des images de scènes inoubliables de ses films comme Un homme et une femme, L’aventure c’est l’aventure ou La Bonne Année avec Lino Ventura et Françoise Fabian, habillent la totalité du mur.
Danièle Thompson (6 et 10) a quant à elle choisi des couleurs vives et pleines, du bois clair : c’est tout un univers lumineux et chaleureux que nous propose cette femme généreuse. On trouve selon les chambres un patchwork de photographies de films, ou d’images grand format de scènes de ses plus grands films. On peut lire également ses nombreux commentaires par lesquels elle partage ses souvenirs avec son père Gérard Oury, son ami Sidney Pollack ou d’autres légendes du septième art. Les matières nobles et douces soulignent l’élégance féminine de l’ensemble, comme le parquet point de Hongrie en frêne blanchi ou le velours ras des coussins et des couvre-lits. Le mobilier design est ludique et coloré, avec en pièce maîtresse une table bureau dont le plateau est empli de pigment rose fuchsia, en hommage à Klein. Les chaises proviennent du décor du dernier film de Danièle Thompson. Pour l’ambiance dédiée à Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, Philippe Maidenberg a travaillé à partir de nombreux documents et de conversations avec Agnès Jaoui, pour imaginer l’espace qui leur est consacré. Le lit est animé par les images qui habillent le mur, composé de photographies, de notes manuscrites de story-boards et de croquis qui nous font plonger dans le travail créatif du duo. Avec des rideaux en velours rouge et or évoquant le théâtre, la prédominance du bois, du parquet, le tapis kilim et des couleurs chaudes, les chambres rappellent le décor d’une scène. Philippe Maidenberg a placé des clins d’oeil aux films du duo, comme ces cravates improbables ou la moustache, encadrées comme des tableaux, évoquant le personnage principal incarné par Jean-Pierre Bacri dans Le Goût des autres.
À la fois grave et pétillante, Elsa Zylberstein (7 et 11) a construit son identité de comédienne après avoir travaillé la danse. L’univers que le décorateur a imaginé avec elle est un hymne à la féminité si particulière de l’actrice, ponctué de références personnelles à son travail d’artiste.
On pénètre dans un cocon de douceur dominé par le gris et le rose, des teintes poudrées qui évoquent le maquillage et le monde de la danse, également évoqué par une barre d’entraînement fixée au mur. La chambre est dominée par une grande tête de lit classique sculptée, avec de chaque côté, un lustre d’inspiration baroque, et un plaid en fausse fourrure, clins d’œil au mythe d’un cinéma glamour qui continue de nous faire rêver. Au-dessus du bureau-coiffeuse, un miroir vénitien reflète la lumière naturelle de la chambre, sous l’œil de Gena Rowlands et John Cassavetes dont les portraits ont été choisis par Elsa Zylberstein, grande admiratrice de leur travail. Enfin, l’une des personnalités les plus importantes et les plus influentes du cinéma mondial, le maestro Ennio Morricone a accordé sa confiance à Philippe Maidenberg pour transposer son univers. Une rencontre, des échanges entre les deux hommes ont peu à peu construit un décor associant musique et cinéma. Pièce emblématique de cette collaboration : une partition originale manuscrite, envoyée par fax en contribution à la conception de l’hôtel, et reproduite en format géant pour habiller tout un mur. Au-dessus du lit, un moulage des mains du maître entoure un écran diffusant l’un de ses concerts, à écouter avec le casque mis à disposition, pour revivre instantanément les plus grands classiques du cinéma. De chaque côté du lit, des caisses claires de batterie, surmontées d’éclairage pour pupitre, font figure de chevets.
Le design est épuré, avec en pièce maîtresse le bureau spécialement conçu comme un piano droit laqué noir, et complété par un tabouret de concert. Le velours des tissus, le parquet de bois noir et le tapis reproduisant une partition en négatif créent une ambiance feutrée, propice à l’écoute de la musique. Un nouveau lieu étonnant et élégant qui l’espace d’une nuit ou d’un plus long séjour nous met sous les projecteurs à la façon d’une star de cinéma et nous fait découvrir l’univers de ces personnalités hors du commun.
HÔTEL 123 SÉBASTOPOL
123, boulevard de Sébastopol. Paris